Les constats locaux

Dans la « société de consommation » dans laquelle nous vivons l’expression « faire du social » prend une connotation presque péjorative car cela consiste trop souvent à distribuer des mannes d’argent sur l’argent public  pour se donner bonne conscience ou « acheter la paix sociale » –  de personnes  considérées comme défavorisées.

Le plus souvent cet argent transite par les assistantes sociales. Le « défavorisé » vient se plaindre auprès d’elle qu’il « n’a plus de quoi manger ou payer son loyer »… alors que sa situation est bien souvent, la conséquence d’une mauvaise gestion de ses finances ou de surendettement pour avoir contracté trop de crédits.

En effet, si on observe le contenu des caddies lors d’attente aux caisses dans les grandes surfaces, on constate bien souvent qu’il y a peu d’achats raisonnés : cannettes de bière, multitudes de friandises et gâteaux d’apéritif, Coca Cola, jus de fruits divers plus chimiques les uns que les autres…

Une tentative d’épicerie sociale sur St André s’est rapidement traduite par la constatation qu’en fait 90% des visiteurs étaient surendettés.

C’était rarement la conséquence de faibles ressources qui les faisait venir mais un excès de crédits que notre société s’était empressée de leur faire contracter. (Crédits sur des salons, l’achat d’une voiture neuve, et sur des abonnements au Satellite et aux portables par exemple…)

La vraie pauvreté est en fait digne et nous est le plus souvent cachée.

Alors comment réagir et quelle attitude prendre  ?

Certainement pas par l’assistanat actuel qui traite les gens en « mendiants », achète leurs bulletins de vote (il n’ ya qu’à voir la queue  auprès des maires pour demander « une petite aide » … le plus souvent financière) » et ne prend que rarement le temps d’étudier le budget des intéressés ou d’établir un plan de remboursement des dettes et de les remettre durablement « sur les rails » grâce à de bonnes résolutions.

Seules des organisations associatives comme « Soubic » savent accompagner des familles ayant de faibles budgets avec des diplômées en « économie sociale et familiale » qui recherchent les causes de la  situation et envisagent avec les familles une stratégie de remboursement de dettes afin de remettre leur budget à flot. (Grâce aussi à l’inscription parallèle à une épicerie sociale.) Il ne s’agit plus d’assistanat mais bien cette fois de solidarité afin de les faire sortir durablement d’une situation difficile.

Il ne s’agit pas de nier la réalité de la misère, mais de remarquer que 90% des situations locales pourraient être améliorées par un véritable accompagnement solidaire.

Pour les « vrais pauvres », la multiplication d’épiceries sociales (où l’on paye 10% du prix réel) pourrait palier temporairement à leur situation délicate. Bien évidemment, cela ne réglera pas le problème de fond (bien souvent l’absence de travail due à la mondialisation et à l’automatisation de notre société de profit) mais cela aura le mérite d’en réduire les conséquences immédiates.

Et le S.E.L. dans tout ça ?

Le S.E.L. n’a pas la prétention ni pour vocation première de régler le problème de la pauvreté. Il n’a sûrement pas pour objectif de faire une économie parallèle au détriment des professionnels déclarés. Par contre, par la ré-émergence d’un lien social dans notre société d’individualisme, il peut nous faire réapprendre les notions oubliées de partage et de vraie solidarité, mais aussi que « l’argent-roi » n’est pas la seule condition au bonheur…

Il peut aussi dans une société où être chômeur c’est bien souvent se culpabiliser, se sentir inférieur, incapable, diminué, montrer que tout un chacun dans ce monde a de vrais talents : savoir préparer de bons petits plats, connaitre la musique, savoir s’occuper d’enfants…

Le rôle d’un S.E.L. peut donc être de revaloriser des gens que notre société  s’acharne à traiter de paresseux et d’incapables en leur démontrant que eux-aussi savent faire quelque chose.

Dans ce registre, je sais qu’une tentative de S.E.L. de proximité a été faite du côté de Plateaux Cailloux avec un certain succès auprès de femmes en situation d’exclusion…

Le « coup de main », l’entraide, au lieu de nous laisser désemparés peut nous redonner espoir et confiance dans ce monde individualiste. Mais le SEL peut aussi nous permettre d’accéder à de multiples facteurs d’épanouissement : faire du yoga, apprendre la musique… par exemple. De petits plus que nous n’aurions jamais pu nous offrir en puisant sur le budget familial car il y a d’autres priorités.

Quand on aura enfin compris qu’une société économiquement mondialisée où les salaires mensuels vont de 10 à 1200 € ce qui génère automatiquement des délocalisations massives en Chine ou en Inde… Et par conséquent la faillite de nos entreprises ne peut mener l’Europe qu’à la récession et à la pauvreté… Si celle-ci ne taxe pas les produits importés du reste du monde pour ne pas concurrencer les entreprises européennes.

Quand on aura enfin compris que le progrès technique s’il peut réduire les tâches pénibles diminue considérablement les besoins des entrepreneurs en bras et génère par conséquent l ‘accroissement du chômage…

Quand on aura enfin compris que l’assistanat n’a jamais été une solution. D’ailleurs même les associations humanitaires parlent aujourd’hui de plus en plus de solidarité, de partenariat et de responsabilité des personnes aidées en les impliquant dans des projets de développement qu’ils ont eux-mêmes choisis

Quand on aura enfin compris qu’il est plus que temps de revenir au quotidien à de vrais valeurs telles que le partage et la solidarité.

On ne sera alors plus très loin du vrai bonheur !

Patrice LouaiSEL

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Publication publiée :19 février 2012
  • Post category:questions sociales