Pour titre, j’ai emprunté à Brassens

« Il suffit de passer le pont… »

Comment résumer une journée conviviale comme celle-ci sans travestir la réalité…?

Nous pourrions dire tout simplement qu’elle fut très agréable et d’une certaine façon classique quoique singulière.

Mais je vois cher lecteur , « hypocrite lecteur », comme dirait Baudelaire, que le raccourci te laisse sur ta faim. Alors, je vais tacher d’apporter quelques couleurs à ce récit .

je sais bien que certains vont regretter de n’avoir pu nous rejoindre à la Koline, mais ce n’est pas grave, j’essaierai de leur donner envie… pour la prochaine fois.

Quand on est dans cette manière d’enclave, à deux minutes de Saint Denis, on a l’impression de vivre dans un cirque, à mille lieux d’une ville quelconque. Le côté magique de l’endroit ne laisse personne indifférent.

Je passerai sur les préliminaires (installation de la banderole et préparation du local en vue d’accueillir nos « frères de la côte »). Je félicite au passage les trois P (Patricia, Patrick et Patrice) pour leur présence matinale sur le lieu et je remercie Patrice Dijoux (responsable du local) pour la mise à disposition de celui-ci, du rétro-projecteur, de l’écran, pour l’apéro et surtout pour sa disponibilité. Et puis…

Et puis, cher lecteur, figure toi qu’à 8h45 nous entamions notre balade dans les gorges de la Rivière Saint Denis.

Passer le gué sans encombre, sans pierre qui roule et/ou les pieds qui se dérobent, fut notre première petite difficulté. Sitôt de l’autre côté le sentier nous happe, les cailloux crissent de plaisir sous nos semelles et une assemblée de pieds de zonblon s’agitent dans un petit vent clair; comme pour nous souhaiter la bienvenue.

« Je sais bien que vous avez remarqué mon beau bleu » dit le ciel ». En silence, nous acquiesçons car il n’y a pas lieu de jouer les fanfarons; car le coin dégage une grande sérénité; l’air est beau « comme des baguettes de tambour »; la vue, souvent dégagée balaie de belles perspectives . Ici, la sécheresse semble avoir renoncé à s’agripper vraiment. L’omniprésence du vert se le dispute à l’ocre des falaises.

Tiens, on s’est arrêté ici, pour admirer les orgues basaltiques. Plus loin notre curiosité apprivoise d’énormes blocs de rochers que la montagne a précipités dans le lit de la rivière. On se répand en conjectures sur l’origine de ces amas rocheux. Un examen minutieux de la falaise nous affranchit assez rapidement sur leur histoire récente.

La question qui vient à l’esprit c’est bien sûr : que ferait-on si on était à proximité au moment de la chute? il faudrait se plaquer contre la falaise dit quelqu’un. Certainement pas, nous assure Krilin. Ici, la meilleure parade consiste à s’allonger par terre et protéger sa tête. Car un rocher, qui se fracasse sur les cailloux, libère des myriades d’éclats qui filent à très grande vitesse dans des tas de directions. L’argument s’avère pertinent. On se range à son avis.

Je vois bien qu’à ta façon de remonter les sourcils, tu aimerais bien savoir qui est ce Krilin et que fait-il dans notre histoire.

Je veux bien t’ouvrir une fenêtre sur ce personnage. Son apparition relève de l’anodin, il nous a rejoint au trois-quart de notre parcours aller et du coup, l’atmosphère s’est, de façon évidente, « éclaircie ». Il faut dire que, jusque là, notre perception du lieu avait quelque chose de superficiel. Il nous manquait certaines clés.

Avec lui, nous avions soudain un éclairage des lieux et des acteurs du coin, autrement plus « consistant ». La trentaine bien « gayar », c’est un « gas lakour », curieux de tout et respectueux de son environnement. Comme des enfants, nous voulions tout savoir et il a bien voulu nous dévoiler quelques secrets, notamment la recette du chocas vert. Eh oui ça se mange! après une préparation spéciale bien sûr. Idem pour le songe noir autrefois très utilisé pour nourrir le cochon. Cuites dans du haricot, les feuilles peuvent se déguster sans donner la « gratelle » côté gosier. Ne te lèche pas trop les babines va! dés que je parle « manzé », tu salives.

J’avoue bien humblement, qu’avec notre guide nous étions comme en état de grâce. Il nous a présenté sa sculpture, une grosse tête taillée à la barre à mine (dixit) par ses soins, dans une drôle de pierre tendre, rouge et friable comme du tuf . Cette tête quasiment colonisée par la mousse, regarde le ciel, à travers les frondaisons d’un pié de letchi. Quand on lui demande comment il s’appelle, car c’est un visage d’homme, il répond qu’il n’a pas de nom. Pour lui, c’est un grain de letchi tombé là et qui s’est transformé. « On pourrait la signaler par un petit panneau » avance l’un d’entre nous. « Surtout pas » nous lance-t-il. Signaler c’est tuer dans l’oeuf le plaisir de la découverte; et le plaisir se mérite…

J’aurais pu passer un peu plus de temps avec toi cher lecteur insatiable. J’aurais pu t’intéresser à l’histoire de ces cabris sauvages qui nous observaient au pied de la falaise, sous les baies roses, à un jet de mousquet, te faire saliver encore sur ces fragments de tuyaux en terre cuite, les premiers utilisés au siècle dernier probablement pour acheminer l’eau de cette rivière.

Je pourrais te décrire par le menu le « domaine de Krilin, son lieu de création et de ressourcement, mais ai-je vraiment le droit de lever le voile et de te frustrer de ta prochaine quête? Et si je te donnais l’impression d’avoir loupé « La » Balade de L’Année ». Car ce fut une sacrée riche balade entre nous soit dit.

Hum! je vois que je m’égare. Je suis confus, lecteur sensible, d’agiter ainsi impunément mon ego. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Peut-être la griserie de toutes ces découvertes accueillies par brassées? Oublie  » la Ba… de l’Ann…Je me reprends, avec ta permission. Je préfère la formulation qui suit. Nous avons juste eu un chouïa de chance de « tomber » sur un artiste pèi (on dit plutôt « plasticien »,ça fait plus classe) qui nous a entrouvert un petit peu les portes de ce royaume.

Quand nous avons pris congé, avec difficulté, de « notre » homme, l’heure avait vieilli. Il était temps de rejoindre Liliane et Rose May restées au local .

Sitôt rentrés, nous avons échangé à qui mieux mieux. Trois autres selistes sont arrivés par la suite et nous avons sacrifié au rite des présentations et des propositions offres/demandes. Le tour de table nous ayant « creusés, nous avons honoré de belle façon le buffet du jour, agrémenté de quelques rhums arrangés de Patrice D. Merci, vieux frère, d’avoir aussi pensé au café!

A 2h, Patricia est montée au créneau sur son atelier « comment remplir une déclaration d’accident ». Belle prestation! Nous étions très intéressés et attentifs à ses conseils. Nous espérons pouvoir en faire profiter nos proches, notre entourage et bien sûr, ne pas avoir à nous en servir personnellement. Que Toutatis nous préserve!

Il n’y a malheureusement pas eu d’atelier de calligraphie arabe et latine car Tahar nous a fait faux bond sans crier gare. Honte à toi grand maître des écritures! C’est la deuxième fois que tu nous fais le coup et attise notre frustration.

Quand à Patrick, il n’a pu animer son atelier théâtre faute d’inscrits. Liliane a prodigué force massages comme à son habitude. D’aucun m’a laissé entendre qu’elle avait des doigts de fée. Je sens que je vais me laisser tenter la prochaine fois…Mais, je vois que l’heure tourne. Quelqu’un a parlé de film. Tout le monde a pensé que c’était une très bonne idée.

A 15h nous étions devant l’écran à regarder « Le monde selon Monsanto ». A 17H, le film n’était pas encore terminé et nous dûmes arrêter, la mort dans l’âme. Patrice devait renter au plus vite, car il chantait le soir même et Patrick devait récupérer son portable.

Un film très pédagogique sur un sujet brûlant: les enjeux des OGM au niveau mondial vus à travers les méthodes d’un semencier redoutable et sans état d’âme. Nous fûmes dans l’ensemble d’accord sur le fait que malgré sa qualité incontestable, le film était plutôt long. Comment faire mieux la prochaine fois? Il faudra y réfléchir sérieusement.

As-tu remarqué, cher lecteur, que tout le monde se disperse comme une volée de moineau? Je ne vois pas pourquoi je persisterais à te « compte-rendre » sur une journée qui s’achève dans la bonne humeur. Il est temps pour moi de te dire « au revoir ».

Nous sommes tous retournés « à la civilisation » avec le sentiment d’avoir passé un bon moment ensemble. Et je sais que nous reviendrons à la Koline. Mon petit doigt me la dit.

A bientôt

Jean Mi

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Publication publiée :15 novembre 2012
  • Post category:Regroupements

Cet article a 7 commentaires

  1. POTHIN

    Merci Jean Mi ,je suis adhérente et j’habite Tampon et j’y étais en te lisant J’aime les personnes qui marchent par les sentiers à l’ombre des sous bois avec mousses et lichens et autres troncs et chicots « merci pour ce partage Suzette

    1. FM Rangla

      Bonsoir Suzette,
      merci pour ton commentaire…
      Nous sommes(ma petite famille) « accros » des balades aux quatre coins de l’île. Si d’aventure tu connais des itinéraires attractifs, si tu aimes croiser le vent dans les branles ou tomber sous le charme d’un frémissement d’eau sous le cresson mafatais, alors tout est possible. Alors on pourrait envisager d’aller ensemble ( avec toi aussi lecteur attentif) à la découverte de notre beau patrimoine.
      J’ai en tête quelques idées de balades vraiment singulières que j’aimerais partager avec quelques mordus de la marche, mais …chut! le moment viendra d’en reparler en « comité élargi ». Avis aux amateurs.
      Au plaisir de nous rencontrer au détour d’une journée conviviale!
      Jean Mi

  2. Pierre Coupiac

    j’avais remonté un peu la rivière St Denis, mais je ne me rappele pas que c’étai si beau; l’art du conteur, j’ai envie d’y retourner, Bravo Pierre

  3. FRANCE VOLATIER

    BRAVO AU STYLISTE ET MERCI POUR CE MAGNIFIQUE COMPTE RENDU.
    JE SUGGERE QUE TON TALENT,MAINTENANT DECOUVERT PAR TOUS,SOIT REGULIEREMENT
    MIS A CONTRIBUTION…

  4. Liliane

    Ah! oui. Je n’ai pas fait la balade mais c’est comme si j’y étais.
    Merci Jean Mi pour cette belle histoire et c’est vrai qu’on était bien dans ce petit coin oublié de tous, loin du bruit et des fumées.
    Manque plus que quelques photos. Ca ne va pas tarder.
    Liliane

  5. patrice

    Avec cet « incroyable talent », Jean Mi, tu seras un incontestable conteur d’histoires du tan lontan lors de notre journée inter zones du 30/12…

  6. le huitou

    bravo jean mi, je viens de revivre cette fantastique ballade.. les mots et les émotions sont justes, envolées, savoureuses.. tu es un artiste, un révélateur d’émotions positives.. merci et pour la ballade, pour la journée et pour le récit.

    Patricia L

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