La nature humaine serait-elle foncièrement et même biologiquement inégalitaire ?

N’en déplaise à notre belle devise française « Liberté, Egalité, Fraternité », force est de constater que nos sociétés humaines tendent vers toujours plus d’inégalités.

Pourtant les sociétés indigènes primitives, telles qu’ont pu le constater les archéologues puis les anthropologues témoignent de ce que pouvait être la vie préhistorique : fabrication d’objets, structures d’habitat , moyens de subsistance et rituels semblables.. Alors comment avons-nous pu en arriver à une société aussi inégalitaire ?

J.J.Rousseau, avait déjà noté que « *les « bons sauvages » jouissaient d’une égale dignité et de ressources égalitairement partagées, mais un processus de structuration de la société a conduit à la formation des classes sociales, des pouvoirs et des inégalités »

Les recherches anthropologiques semblent lui donner raison : clans et tribus primitives-chasseurs comme cueilleurs étaient organisés en petits groupes où l’égalité sociale était activement défendue : les fruits de la chasse étant aussitôt partagés ou offerts au sein de la communauté.

Toutefois, il y a environ 15 000 ans, la sédentarité des populations a rendu possible l’accroissement de la population. Des structures se sont établies et des distinctions sociales se sont fait jour. Les femmes et les jeunes-entre autres- ont dès lors été considérés comme « inférieurs ».

Dans une deuxième phase, commencée il y a 7500 ans environ au Proche Orient et 4000 ans au Pérou, les élites privilégiées vont s’organiser pour stabiliser leurs pouvoirs et en assumer la transmission héréditaire. C’est par exemple le système des castes encore en vigueur aujourd’hui en Inde. Conçu au départ comme une simple organisation de défense des intérêts d’une même profession, les classes dominantes se sont chargés d’en faire un système de pouvoir et de domination sur les autres catégories sociales.
C’est une phase de conquêtes et d’élitisme.

Pourtant, l’histoire nous montre que certaines civilisations et époques ont tenté de générer une société plus égalitaire : limitation législative de la quantité des richesses (terre et bétail) que pouvaient accumuler les patriciens durant l’époque romaine, puis beaucoup plus tard, abolition de l’esclavage, des privilèges de la noblesse et du clergé au XVIIIe et XIXe siècle. La démocratie -ou chaque voix compte- et où l’on recherche de plus en plus la « parité » n’en est elle pas un exemple ?
L’échec du communisme semble avoir brisé cet élan et montré que la nature humaine, malgré tout ces bons sentiments n’est pas encore mûre pour réaliser de facto cette égalité entre les hommes.

En fait, l’égalité semble être un choix culturel. La nature humaine défend encore
trop souvent comme les espèces animales son pouvoir et son territoire comme si c’était inscrit dans ses gènes.

Si JJ. Rousseau* estimait que les inégalités ont correspondu à l’apparition de la propriété privée, les tenants du darwinisme ont estimé qu’une société » divisée en classes reflétait l’ordre naturel des choses, à « savoir la survie du plus apte » où le prédateur s’attaque à la proie la plus faible.

Au milieu du XXe siècle, des anthropologues ont lié la naissance des hiérarchies
au fait que la croissance démographique ayant nécessité des besoins accrus en nourriture, la sédentarité a remplacé le nomadisme et qu’il a fallu des fonctions spécialisées pour gérer les productions. Les ressources s’épuisant peu à peu, il aura it fallu conquérir de nouveaux territoires, les populations envahies devenant les classes inférieures. L’avènement de l’agriculture et du commerce ont débouché sur la propriété privée et le désir individuel d’accroitre ses richesses.

« Plus un pays est inégalitaire, moins il est efficace », affirme le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz dans son dernier ouvrage** Dans celui-ci le prix Nobel estime que « ce ne sont pas les changements technologiques et sociaux qui ont généré cette société à deux vitesses mais l’exercice du pouvoir politique par des groupements financiers qui ont pris le pas sur les processus législatifs et réglementaires. C’est la Politique qui a façonné le marché de façon a avantager le sommet aux dépens du reste … » conférant ainsi un pouvoir excessif aux plus aisés : traitement fiscal avantageux, part de marché garantie …en somme une véritable chasse aux rentes de situation.

Stiglitz estime qu’il faut un marché libre et compétitif mais que celui-ci doit être régulé et contrôlé par l’Etat. Or aujourd’hui les autorités de régulation sont réduites à l’impuissance par les intérêts privés qu’elles sont censées contrôler.
Il démontre aussi que d’aussi énormes disparités de richesses et de revenus alimente les crises, dégrade la productivité et ralentit la croissance. Les inégalités engendrent un système éducatif défectueux et de mauvaises conditions de cohabitation.

2 épidémiologistes anglais estiment qu’il suffirait d’un peu plus d’égalité pour considérablement réduire les maux de notre planète.

Pourquoi donc les pauvres sont ils plus affectés par les maladies cardio-vasculaires, les cancers, la violence, la drogue, l’obésité, les grossesses précoces et l’échec scolaire ? Ces épidémiologistes ont noté que ces fléaux étaient plus importants dans les pays les plus inégalitaires.

En même temps, un pays peut être deux fois plus riche qu’un autre sans pour autant avoir une meilleure espérance de vie ou une mortalité infantile plus faible.

En fait l’inégalité nuit aux relations sociales. La confiance et la cohésion sociale sont plus fortes et la violence moins répandue dans les sociétés plus égalitaires.
En effet, ces sociétés font plus appel à la collaboration et moins à la compétition pour le statut social.

Les sociétés inégalitaires sont plus consuméristes, les gens travaillent plus longtemps, font moins d’économies et sont plus susceptibles de s’endetter. On y note plus de violence et même de maladies mentales.

Enfin ces sociétés contribuent davantage à l’aide humanitaire, s’engagent davantage pour la paix mondiale, recyclent davantage leurs déchets et sont plus convaincues de respecter les accords internationaux sur l’environnement.

Si on devait ramener ce concept au fonctionnement de notre modeste système local « Réunisel » attachons nous à une organisation et répartition des tâches sans dynamique de pouvoirs ou d’élitisme, à une liberté optimale mais avec un minimum de contrôle pour contribuer à notre modeste échelle à une société plus démocratique et égalitaire. Notre concept d’évaluation des services et savoirs en temps, au delà la négation de toute signification monétaire, n’est il pas le meilleur système démocratique qui soit puisqu’il fait par exemple équivaloir 60 minutes de gestion à 60 minutes de jardinage ou de bricolage, refusant l’évaluation hierarchique des compétences en vigueur dans notre société ?

« Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes »
** « Le prix de l’inégalité » (édition les liens qui libèrent, Sept 2012)

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Publication publiée :20 septembre 2012
  • Post category:SEL et société